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Production de recherche universitaire au Canada :
facteurs individuels, institutionnels et systémiques

Cochercheurs : Olivier Bégin-Caouette (Université de Montréal), Glen A. Jones (Université de Toronto), Amy Scott Metcalfe (Université de Colombie-Britannique), Grace Karram Stephenson (Université de Toronto), Alexandre Beaupré-Lavallée (Université de Montréal), Sébastien Béland (Université de Montréal), Jean Bernatchez (Université du Québec à Rimouski)

Objectifs : Parce qu’elle contribue au développement social, économique et diplomatique, la recherche universitaire est au coeur de nombreuses politiques provinciales et fédérales. Or, les impacts de celles-ci sont modulés par un ensemble de facteurs qui relèvent des chercheurs, des établissements et de la configuration des systèmes d’enseignement supérieur – ou SES – (Bleiklie & Kogan, 2007; Bégin-Caouette, Kalpazidou-Schmidt & Field, 2017). Puisque l’efficacité de ces politiques dépend d’une meilleure compréhension de ces facteurs, le premier objectif de ce projet consiste à identifier les facteurs individuels, institutionnels et systémiques qui contribuent le plus significativement à la production de recherche universitaire dans cinq provinces, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et le Québec. De plus, considérant que le gouvernement fédéral fournit l’essentiel du soutien à la recherche (Doern et al., 2017), mais que les universités se rapportent d’abord aux gouvernements provinciaux, le deuxième objectif vise à explorer les effets d’interaction entre ces trois niveaux de facteurs et le troisième objectif est à l’effet d’élaborer un modèle multiniveau permettant de conceptualiser la production de recherche universitaire dans un État fédéral. En outre, puisque le niveau de production de recherche varie selon la province (CAC, 2016), le quatrième objectif vise à comparer l’influence relative des facteurs dans chaque province. Finalement, considérant que les provinces sont caractérisées par des structures politico-économiques distinctes (Fisher, Rubenson, Jones & Shanahan, 2009), le cinquième objectif de cette étude est de contribuer à la consolidation d’un cadre théorique expliquant comment les contextes politico-économiques structurent l’avantage comparatif des SES, des universités et des chercheurs. 

Contexte :  La recherche universitaire est au cœur du développement des sociétés du savoir (Hazelkorn, 2013), mais même si le Canada produit 3,8% des publications mondiales et qu’il compte 52 publications pour 100 chercheurs (les États-Unis en comptent 41), un rapport du Conseil des académies canadiennes (CAC, 2016) révèle aussi que le pays est passé de la 7e à la 9e place entre 2009 et 2013. Des lacunes subsistent pourtant quant à notre compréhension des facteurs qui, en premier lieu, contribuent ou nuisent à la production de cette recherche.

Un des corollaires de la société du savoir est la pression mondiale qui amène les États, les universités et les chercheurs à produire plus de connaissances. La théorie des variétés du capitalisme universitaire (VdCU) postule que les stratégies adoptées par les acteurs dépendent du contexte politico-économique (Schulze-Cleven et Olson, 2017). Slaughter et Rhoades (2004) ont d’abord développé la théorie du capitalisme universitaire afin d’expliquer comment l’enseignement supérieur s’intégrait à l’économie du savoir et développait de nouvelles structures afin de générer des revenus. En économie politique, Hall et Skoskice (2004) ont développé l’approche des variétés du capitalisme afin de mieux comprendre comment les structures politico-économiques façonnaient l’avantage comparatif de certaines organisations dans un contexte de concurrence mondiale (pour les profits ou la réputation par exemple). Schulze-Cleven et Olson (2017) se sont approprié cette approche afin de comparer les trajectoires de marchandisation universitaire dans différentes sociétés. Leur approche ne prend cependant en compte que l’accumulation de capital économique et omet une logique distincte, mais tout aussi transformatrice en enseignement supérieur : la compétition mondiale pour l’accumulation de capital scientifique (Bourdieu, 1988) et le pouvoir symbolique qu’il génère (Hazelkorn, 2013; Musselin, 2017). S’appuyant sur une définition bourdieusienne du capital, la théorie du capitalisme universitaire de Münch (2014) explique comment les chercheurs, les universités et les États utilisent différentes logiques d’accumulation et de distinction afin de convertir diverses formes de capital social, culturel et économique en capital scientifique reconnu par les classements internationaux et les mesures bibliométriques. Ces tendances mondiales se confrontent toutefois à des variations transnationales qu’une analyse politico-économique permettrait de conceptualiser. Bégin-Caouette, Askvik et Bian (2016), par une analyse de correspondance basée sur 12 indicateurs de la recherche dans 16 pays, ont déjà constaté que la correspondance entre ces indicateurs et les pays s’expliquait, en partie, par la structure politico-économique de ces derniers. 

Dans le cadre de son étude doctorale, Bégin-Caouette (2017) a procédé à la revue de 400 documents qui permirent d’identifier 39 explications possibles pour le niveau de production de recherche universitaire dans un type d’économie politique particulier, soit celui du régime social-démocrate des pays scandinaves. Une analyse thématique basée sur 56 entretiens et une analyse factorielle basée sur 456 questionnaires menèrent au développement d’un modèle explicatif à huit facteurs systémiques : les croyances sociales, les traditions universitaires, la gouvernance, le financement, le travail universitaire, la différentiation institutionnelle, les collaborations avec le privé et l’internationalisation. Il est à noter que le projet ici proposé s’appuie sur le protocole d’entrevue et le questionnaire développés au cours de cette étude doctorale et adaptés au contexte canadien dans le cadre d’un stage postdoctoral (2017-2018).

Ce stage postdoctoral permit également une revue exhaustive de la documentation canadienne qui confirma la pertinence d’étudier ces huit facteurs systémiques au Canada (Bégin-Caouette, 2018). Les deux premiers facteurs se rapportent au cadre culturel (Scott, 2008). Les croyances sociales contribueraient au capital symbolique des chercheurs (Bourdieu, 1988), stimuleraient l’accès aux études supérieures (Jones et al., 2014) et influenceraient la propension de l’État à financer la recherche (Stortz & Panayotidis, 2006). Les traditions universitaires contribueraient à l’autonomie des universités et à la liberté des professeurs, ce qui favoriserait la production de recherche (Lacroix & Maheu, 2015). Les troisième et quatrième facteurs se rapportent au cadre régulatif (Scott, 2008). En ce qui a trait à la gouvernance, au Canada, il faut faire la distinction entre l’influence des autorités provinciale et fédérale et il semblerait qu’une coordination déficiente entre ces paliers nuirait à la recherche (Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, 2017; Shanahan & Jones, 2007). Lié à la gouvernance, le financement public de la recherche serait l’un des facteurs les plus influents au Canada (Doern et al., 2017). Les cinquième et sixième facteurs se réfèrent à la division du travail et des organisations (Clark, 1983). Il existe, tout d’abord, une hiérarchie entre les universités et une certaine concentration de la production de recherche (Lacroix & Maheu, 2015; Side & Robbins, 2007). En ce qui a trait au travail universitaire, Jones et al. (2014) suggère de porter attention au nombre de jeunes chercheurs et aux cheminements de carrière de ces derniers. Les deux derniers facteurs se rapportent au capital social des universités. Tout d’abord, les collaborations avec le privé ont accru le financement privé de la recherche (Sá & Litwin, 2011), mais plusieurs professeurs doutent de l’impact de ce dernier sur leurs publications (Gopaul et al., 2016). Finalement, la recherche universitaire au Canada profiterait des collaborations internationales, de même que du recrutement de chercheurs et d’étudiants internationaux (CAC, 2016).

En plus des systèmes, l’approche des VdCU souligne la pertinence d’étudier les caractéristiques des organisations et des individus qui participent à ces systèmes (Münch, 2014). Les chercheurs impliqués dans ce projet forment, depuis 2014, l’équipe canadienne du projet international sur La profession universitaire dans la société du savoir (APIKS). À noter que Jones et Metcalfe, cochercheurs dans ce projet, étaient également les responsables canadiens pour l’étude de 2007 sur les Changements dans la profession universitaire – CAP – (Gopaul et al., 2016; Jones et al., 2012; Metcalfe, 2008). L’étude actuelle s’appuie sur le postulat que les structures économiques et sociales se transforment et reflètent la place prépondérante du savoir dans les dynamiques de production (Stehr, 2015), mais aussi que ces transformations varient selon les pays (Välimaa & Hoffman, 2008). Le questionnaire de 82 questions – développé par une équipe d’éminents chercheurs internationaux – a été rempli, en 2017-2018, par 2 988 professeurs de 64 universités canadiennes (Karram Stephenson, Jones, Bégin-Caouette, Metcalfe & Toor, 2017). Le questionnaire porte sur les composantes du travail universitaire et un sous-ensemble de questions permettra mesurer l’impact des facteurs individuels et institutionnels décrits ci-dessous.

Quatre facteurs individuels seront considérés : les caractéristiques sociodémographiques, la carrière professorale, les préférences et les collaborations. Premièrement, des études américaines (ex. : Allen, 1997) soulignent que certaines pratiques institutionnelles et sociales peuvent nuire à la production de recherche des femmes et des membres de minorités visibles. Deuxièmement, en contrôlant pour ces variables, Kwiek (2016) a démontré que les chercheurs les plus productifs comptaient plus d’ancienneté et avaient obtenu la permanence. Troisièmement, Kwiek a aussi montré que les chercheurs les plus productifs choisissaient de travailler plus d’heures et avaient une préférence marquée pour la recherche par rapport à l’enseignement; Larivière et al. (2006) ont aussi observé que les chercheurs en sciences naturelles et de la santé produisaient plus d’articles que ceux en sciences humaines et sociales. Quatrièmement, l’étude de Banal-Estañol, Macho-Stadler et Pérez-Castrillo (2013), menée auprès de professeurs des facultés de génie au Royaume-Uni, suggère que les collaborations scientifiques avec le secteur privé augmentent le nombre de publications. Münch (2014) a aussi suggéré que les collaborations internationales et le nombre d’étudiants supervisés étaient corrélés aux publications des professeurs.

Finalement, il ne faut pas négliger les facteurs institutionnels. Amara, Landry et Halilem (2014) ont, par exemple, montré que, en contrôlant pour les variables individuelles, les chercheurs les moins productifs des plus grandes universités de recherche comptaient plus de publications que leurs homologues des autres universités. Dû à leur prévalence dans la documentation, trois grands facteurs institutionnels seront considérés : les traits fondateurs, les partenariats et la gouvernance interne. Aghion et al. (2009) ont étudié les caractéristiques de 196 universités européennes et ont conclu que celles qui se positionnaient le plus favorablement dans les classements étaient plus anciennes, plus grandes, avaient de plus grands budgets et obtenaient plus de financement privé. Marginson (2006) a noté que les plus grandes universités de recherche étaient aussi de langue anglaise et comptaient plusieurs partenaires internationaux. Diverses études canadiennes suggèrent finalement de considérer des facteurs tels que les pratiques internes de promotion (Gravestock et al., 2009; Jonker & Hicks, 2014), la priorisation de la recherche dans les documents stratégiques (Larouche et al., 2016), les mécanismes de gestion (Gopaul et al., 2016) et la proportion d’étudiants inscrits aux cycles supérieurs (Lacroix & Maheu, 2015).

L’influence de ces quinze facteurs (quatre facteurs individuels, trois facteurs institutionnels et huit facteurs systémiques) est cependant modulée selon le contexte politico-économique des provinces qui structure l’accessibilité à l’enseignement supérieur, les conditions de travail des chercheurs, l’intervention de l’État, la place du secteur privé et l’ouverture à l’international (Benner, 2011; Chenard & Doray, 2013; Gingras, 2016; Lacroix & Maheu, 2015; O’Neill, 2010; Schmaus & Wimmer, 2013; Tamtik, 2017). En plus d’expliquer ce qui contribue à la production de recherche universitaire, les 15 facteurs retenus constitueront donc des points d’interface permettant d’explorer comment la trajectoire politico-économique d’une province façonne l’avantage comparatif de ses universités. 

La production de recherche est une activité éminemment complexe et nos résultats nous permettront de développer le premier modèle multifactoriel, multiniveau et multidisciplinaire capable de conceptualiser l’interinfluence de différents niveaux de facteurs de même que les différences entre des contextes (politico-économiques) provinciaux distincts. Ce modèle alimentera la réflexion des sociologues intéressés par le champ universitaire, des bibliométriciens intéressés par la production de recherche, des politologues intéressés l’impact relatif des initiatives provinciales et fédérales, de même que des chercheurs en administration publique souhaitant appréhender ce qui influence la « capacité d'absorption » (Niosi, 2015) des universités et des provinces pour lesquelles les mêmes initiatives nationales produisent des effets différents. 

Méthodologie : Afin d’évaluer l’influence de 15 facteurs individuels, institutionnels et systémiques interdépendants dans un nombre limité de contextes, ce projet s’appuie sur une méthodologie novatrice qui combine l’approche par problématique, le cadre multiniveau et les méthodes mixtes. L’approche par problématique est hypothético-déductive et exige du chercheur qu’il intellectualise une problématique (ex: production de recherche universitaire), définisse un contexte précis (ex : le SES québécois), formule des hypothèses vérifiables sur le terrain puis compare les prédictions avec les événements observés (Holmes, 1981). Suivant le processus de falsification de Popper (2005), chaque facteur identifié ci-dessus devient une hypothèse (selon laquelle le facteur a une influence positive sur la production de recherche universitaire) et l’analyse vise à les infirmer; seules celles qui résistent à cette falsification sont considérées comme étant provisoirement vérifiées. 

Le cadre multiniveau de Kogan et Marton (2006) apparaît subséquemment comme un instrument adapté pour comparer horizontalement différentes provinces et comparer verticalement les niveaux individuels, institutionnels et systémiques. Ce modèle synoptique reconnaît l’existence d’une hiérarchie formelle des organisations, mais prête également attention aux facteurs qui traversent ces hiérarchies. Les SES seront divisés en quatre niveaux (fédéral, provincial, institutionnel et individuel) et en 16 strates, celles-ci représentant un type d’acteurs ayant une connaissance directe de la production ou la diffusion de la recherche. Le niveau fédéral comprend (1) Innovation, Sciences et Développement économique Canada, (2) le Bureau de la Conseillère scientifique en chef du Canada, (3) les Conseils de recherche du Canada, (4) Universités Canada et (5) l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université. Le niveau provincial comprend (6) les ministères responsables de l'enseignement supérieur, (7) les conseils de recherche, (8) les sociétés de valorisation de la recherche, (9) les associations d’universités, (10) les fédérations ou associations de professeurs et (11) les fédérations d'associations étudiantes. Nous ciblerons ensuite deux universités à forte intensité de recherche dans chaque province, donc 10 au total. Dans chacun des deux établissements, le niveau institutionnel comprend (11) le conseil d’administration, (12) le vice-recteur et (13) le vice-doyen à la recherche, alors que le niveau individuel comprend (14) deux membres du corps professoral, (15) un professionnel de recherche et (16) un étudiant au doctorat. Il y aura donc au moins 20 entrevues par provinces (100 au total), de même que 5 entrevues au niveau fédéral, pour un grand total de 105 entrevues. 

Le processus de falsification requiert des données fidèles et valides. Le projet sera basé sur une méthode mixte parallèle et convergente (Creswell & Plano Clark 2011) selon laquelle les trois ensembles de données seront fusionnés à l’étape de l’analyse, réduisant ainsi une myriade de facteurs à ce qui est qualitativement et quantitativement cohérent (Whittemore, Chase & Mandle 2001). 

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La collecte de données qualitatives aura lieu à l’automne 2019 (au Québec et en Ontario) et à l’hiver 2020 (en Alberta, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse). Des représentants des 16 strates seront contactés afin de participer à une entrevue semi-structurée d’une heure. Selon le protocole d’entrevue adapté au contexte canadien, les participants seront d’abord invités à décrire le rôle de l’organisation dans la production de recherche et à évaluer le niveau de production de recherche dans leur établissement, province et pays. Ils seront ensuite amenés à réfléchir aux facteurs individuels, institutionnels et systémiques qui pourraient expliquer ce niveau. L’objectif est de procéder à une analyse thématique (Braun & Clarke, 2006) sur les transcriptions de 105 entrevues, puis d’identifier les facteurs perçus comme ayant un impact positif à tous les niveaux et dans toutes les strates. L’atteinte de la saturation d’un thème lors de l’analyse servira à évaluer l’importance des facteurs (Guest, Brunce & Johnson, 2006). Ces premières analyses contribueront aux objectifs 1, 2 et 4. 

Les analyses quantitatives porteront sur deux ensembles de données. À l’automne 2019, nous analyserons les données du questionnaire APIKS qui fut envoyé en 2017-2018 à 43 000 professeurs de 64 universités canadiennes et auquel 2 988 (6,7%) ont répondu. Ce questionnaire demandait aux répondants d’indiquer le nombre de publications de différents types (articles, chapitres, livres, rapports, etc.) qu’ils avaient produites dans les trois dernières années. Les réponses permettront de constituer un index composite de production de recherche. Ce dernier sera corrélé (corrélations multiples) avec les variables relatives aux facteurs individuels « caractéristiques sociodémographiques » (âge, pays de naissance et genre), « carrière professorale » (titre du poste, permanence, nombre d’années d’ancienneté), « préférences » (champ disciplinaire, nombre d’heures travaillées, degré de préférence pour la recherche) et « collaborations » (nombre de collaborations avec des entreprises, nombre de collaborateurs internationaux et nombre d’étudiants supervisés). L’indice de production de recherche sera aussi corrélé aux variables relatives aux facteurs institutionnels « traits fondateurs » (année de fondation, nombre d’étudiants, proportion d’étudiants aux cycles supérieurs et langue d’enseignement), « partenariats » (nombre d’ententes internationales et proportion de financement privé) et « gouvernance interne » (mission orientée vers la recherche, mécanismes d’évaluation et le degré de collégialité). Nous procéderons ensuite à une régression multiniveau selon un modèle à pente aléatoire (Snijders & Bosker, 2012) dans lequel le niveau individuel sera niché dans le niveau institutionnel, lui-même niché dans le niveau systémique (représenté, pour l’instant, par la variable « province »). Ces analyses nous permettront d’identifier les facteurs individuels et institutionnels étant le plus fortement liés à la production de recherche individuelle (objectif 1), de même qu’à explorer les interactions entre ces niveaux de facteur (objectif 2) et à observer comment le contexte d’une province module ces derniers (objectif 4).

Le questionnaire APIKS ne prend toutefois pas en compte les facteurs systémiques. À l’automne 2019 et à l’hiver 2020, nous enverrons donc aux professeurs des dix universités-cas une forme adaptée du questionnaire utilisé dans les pays scandinaves (Bégin-Caouette, 2016). Divers mécanismes avaient alors été utilisés pour améliorer la validité de l'enquête avant sa première diffusion à grande échelle, notamment des groupes de discussion, des entretiens cognitifs, des examens d'experts et des tests pilotes. Une analyse factorielle exploratoire avec rotation orthogonale (varimax) a ensuite confirmé la cohérence interne de la structure à huit facteurs (α = 0.880). Le questionnaire comprend huit échelles (entre α = 0.408 et α= 0.819) et, à l’aide d’échelles de type Likert, demande aux participants d’évaluer l’impact positif ou négatif de 74 items sur la production de recherche dans leur province. Dans le cadre d’un stage postdoctoral, il fut testé auprès de 123 professeurs d’une université canadienne. Le questionnaire sera envoyé aux 20 354 professeurs à temps plein des 10 universités cas. Au printemps 2020, une MANOVA suivie de tests post-hoc intersujets (Field, 2013) permettra d’évaluer si un facteur systémique est perçu comme étant significativement plus important que les autres (objectif 1) et de comparer l’influence perçue des huit facteurs systémiques dans les cinq provinces (objectif 4).

Suivant le processus de falsification inhérent à l’approche par problématique à niveaux multiples, l’influence d’un facteur ne sera considérée que lorsqu’il y aura convergence entre les perspectives des acteurs situés dans les quatre niveaux et convergence entre les résultats statistiquement significatifs et la saturation des thèmes correspondants dans les entrevues. À l’été 2020, nous croiserons les données des entrevues et des deux questionnaires afin de développer le modèle multiniveau expliquant la production de recherche au Canada (objectif 3). Finalement, en reliant notre compréhension plus fine des facteurs systémiques à l’oeuvre dans chaque province avec notre connaissance des politico-économiques de ces dernières, nous serons en mesure d’étendre le champ d’application de la théorie des VdCU à la situation canadienne et d’expliquer ce qui structure l’avantage comparatif des chercheurs, des universités et des SES au pays (objectif 5). À la suite de ce projet, nous espérons tester cette conceptualisation à d’autres contextes fédéraux, tant dans des pays émergents que développés et ainsi proposer un nouvel angle d’analyse de la société mondiale du savoir. 

Financement : Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, programme Développement Savoir (70 000$, 2019-2023); Fonds de recherche du Québec - Société et culture (44 000$, 2019-2022)


Publications :

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